DIY/Maker, une simple affaire de genre ?

Antoine, du Rambot du cactus, a rejoint l'équipe Au boulot cocotte pour des articles autour du Faire numérique

Le fablab pour les hommes (maker) et le DIY pour les femmes… 

Mon premier article Guerre de mots dans le monde du Faire, je l’ai volontairement commencé par de gros clichés sur les makers et les faiseurs. Un fait exprès pour bien expliquer les origines du “pourquoi du comment” j’en arrive à ces clichés.

Derrière un stéréotype, il y a souvent une représentation simpliste, facile, raccourcie et exagérée d’une réalité. Tout est toujours affaire de point de vue, voici le mien.

Cet article est un constat, une expérience de vie, une histoire… mais il faut bien avoir à l’esprit que je suis dans une situation de privilégié et que je n’ai aucune réponse, juste une proposition.

Antoine [genre masculin] : la double petite histoire (DIY/Maker)

  • Mai 2016, Fablab Festival à Artilect : Je découvre le Mouvement Maker. Emerveillement. Les gens fabriquent par eux-mêmes et surtout ils s’entraident et partagent leurs savoir-faire ! Moi qui ai toujours voulu trouver le moyen de faire et partager, me voilà face à un groupe qui y arrive.
  • Avril 2019, rencontre avec Au Boulot Cocotte aux F@bRiquet : Je rencontre par un post Instagram la basse-cour. Stupéfaction, elles ne parlent pas de “makers” mais de “faiseurs”. Elles veulent montrer que le DIY n’est pas qu’une simple affaire de loisirs créatifs… 

Résultat : Le Faire devient complexe.

Je commence mon Rambottour : découvertes à travers la France des lieux du Faire. 
Je questionne, je regarde et je découvre. Ma vision commence à changer, à se diversifier. Après avoir regardé, il faut bien faire ! Maintenant, je m’introduis comme acteur de ces deux mondes. D’un côté, je ne suis qu’avec des gars (maker) et de l’autre, que des nanas (faiseur). 

Focus : pourquoi est ce que je dis avoir une “position privilégiée” ?

Je suis un homme, blanc, plutôt d’une classe sociale privilégiée… et je me suis aperçu que ce sont des avantages qui m’ont permis de m’affirmer dans ces deux univers, même si ce n’était pas naturel.
Je n’ai pas à subir un système global, des espaces et des mentalités misogynes. Si nous voulons une meilleure inclusion, ne serait-ce pas à nous, ceux qui favorisons la misogynie, de changer ? Et non pas, encore une fois, de demander à ceux qui sont discriminés de le faire ? 

Le Faire m’apparaît genré

Pour que nous ayons les même bases, une petite précision s’impose : Le genre correspond à l’ensemble des caractéristiques sociologiques (et donc non biologiques) qui nous distingue dans le domaine des masculinités et des féminités.

15% de femmes dans les fablabs en France en 2014… 

Kerry a été fabmanageuse à Artilect : un espace du faire numérique à Toulouse
Cliquez pour voir l'interview de Kerry

Lors de mon passage en 2018-2019 au F@bRiquet, le fablab de Ramonville, le résultat est sans appel : une équipe entièrement composée d’hommes, une communauté de makers, à 80% d’hommes. Je n’ai pas les chiffres d’Artilect mais à l’époque un Conseil d’Administration constitué à 90% d’hommes mais ! … une fabmanageuse, Kerry Gamon.
Elle explique la difficulté d’être régulièrement face aux grincements de dents quand on associe “femmes” et “technique”.

Du côté des faiseurs, c’est pareil. Il n’y a qu’à voir le compte Instagram ou les après-midis créatives d’Au Boulot Cocotte, où l’on voit en grande majorité des femmes. Revenir sur leurs objectifs, c’est revenir sur leur mission première : donner de la visibilité aux acteurs du Faire de la métropole toulousaine. Sans faire polémique, elles donnent sans le vouloir (et heureusement) une visibilité aux actrices du Faire…

La première après-midi créative des cocottes à La Cartoucherie, Toulouse.

On a beau avancer, la parité c’est pas encore ça en France ! (Sur la question de la parité dans les espaces du Faire, je n’ai pas trouvé beaucoup de données ni d’explications. Encore moins de solutions. Pourtant, le problème est connu…) 

Dans les espaces que j’ai visité, on retrouve clairement cette distinction. Le Fablab ou l’atelier de bricolage, ceux sont les hommes tandis que les femmes ont les ateliers de couture partagés ou de scrapbooking…

Cliché des genres : le pourquoi du comment ?

Le Faire reproduit en fait les schémas fondamentaux de la distinction entre femmes et hommes. 

En premier lieu, n’est-il pas étrange que les femmes soient encore renvoyer aux “loisirs créatifs” (amusement, plaisir, organique) tandis que l’homme c’est “du sérieux, du complexe, de la science et du projet”.

On retrouve cette distinction quand on parle du niveau technique, dans l’utilisation des machines et dans la finalité du projet. Par exemple : coudre à la main = femme, la fraiseuse numérique = homme, faire du scrapbooking = femme, utiliser un plotter de découpe (du scrapbooking) = homme…

Cette dévalorisation que nous encourageons au quotidien par des petites expressions ou des attitudes, remonte à plus loin : à une dévaluation de la femme face à la technique. Il faut que nous arrêtions. 

Attention, je ne dis pas qu’il n’y a pas d’exception, je raconte simplement ce que je vois : ce seuil technique et la finalité du Faire sont encore genrés.

Et maintenant, que faire pour "un mouvement DIY/Maker" ?

Pour commencer, valoriser les bonnes initiatives : j’ai rejoint l’équipe d’Au Boulot Cocotte via ce blog, le F@bRiquet a une fabmanageuse… Il faut commencer à poser le problème voire à l’affirmer.

Oui, le mouvement du Faire est un mouvement qui (re)produit les différences entre hommes et femmes. Dommage… surtout quand on sait qu’en France, les fablabs doivent être des vecteurs de l’émancipation sociale et de l’inclusion. 

Il faut que l’on parle, que l’on se connecte, que l’on analyse et comprenne. A mon sens, la solution vient aussi par la mise en place d’espaces du Faire plus inclusif et par des actions individuelles. 

C’est bien à ces lieux du Faire qui doivent montrer la voie à plus d’inclusion, à faire changer les codes, à encourager à la diversité et à s’enrichir. 

Il faut aussi que chacun soit acteur au quotidien : emmener un ami à faire de la couture, encourager à la connexion, reprendre quand on traite le tricot “d’activité pour femme”, arrêter de voir une femme qui entre dans un fablab comme une débutante ou lui indiquer l’emplacement de l’espace couture… ce sont de toutes petites choses mais faisables. 

On voit petit à petit les choses bouger mais il faut aller plus loin.

Hé toi, fais le avec moi !

Le problème est profond, bien ancré et complexe mais posons nous les questions ensemble pour tenter de faire évoluer les choses ensemble.  On connaît le problème, comprenons-le et à nous d’en fabriquer la solution !

ALORS, QU’EN DITES-VOUS ?

Entrevue : Maïlys & Laura de l’atelier Bitoño

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1 Comment

  1. Ben oui, à quand les ateliers « bricolage » pour les femmes sans que ça revête cet aspect « holala que c’est innovant » ?…
    Le jour où on aura juste des « gens » qui participent à des ateliers de tout poil, ça sera enfin harmonieux.


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